On a vu précédemment qu’il pouvait être important de bien
distinguer les causes et les conséquences. De même, il est important de
distinguer les faits des sentiments. Vous comprendrez peut-être mieux si à la
place du mot « sentiment » vous mettez « opinion ». La plupart des gens
pense avoir exprimé un fait quand il n’exprime qu’une opinion ou un sentiment.
Imaginons un processus de recrutement, et tout à la fin de ce processus, il y a
l’épreuve du jury. Certaines personnes interrogées disent à la fin : « oui,
je l’embaucherais. On voit tout de suite qu’il est bon ». Mais ils n’ont fait
qu’exprimer une opinion.
Certaines opinions sont aussi parfois exprimées sous forme
de faits, de telle manière que vous penserez que c’est un fait. Alors que ce n’est
qu’un postulat, c’est-à-dire quelque chose énoncé comme vrai qui ne sera pas
discuté. Il s’agit pour votre interlocuteur de vous rallier à ses vues. Vous ne
devez pas vous y laissez pendre. Par exemple : « le réchauffement
climatique aura de graves conséquences » peut être compris d’abord comme
un fait ; Mais si on y réfléchit quelques secondes, on s’aperçoit vite que
ce n’est qu’une opinion et une opinion dite sous forme de fait. Pourquoi ?
Parce que tous les experts à l’heure actuelle pensent qu’on manque de recul
pour parler de réchauffement climatique, certains avancent que ce réchauffement
pourrait n’être que les prémices d’un refroidissement bien plus importants et
d’autres encore font remarquer que lors des premières glaciations ou des
premiers réchauffements, on ne peut accuser l’activité humaine. Donc, les
chercheurs parlent désormais de « modification climatique », sans
plus de précision. Parler de « réchauffement climatique » est donc
une opinion ou, plus exactement, un postulat.
Qu’est-ce que cela signifie ? Que derrière des
phrases, des mots, peut se cacher une opinion. Et qu’on peut vous asséner cette
opinion comme s’il s’agissait d’un fait. Et cette « opinion /fait »
peut bien évidemment générer des malentendus.
Et attention : le fait n’est ni un constat, ni un état
des lieux. Le fait se doit d’être totalement objectif.
« A 20h 55, hier, je mangeais » est un fait. Ce
n’est ni un constat, ni un état de lieux. « A 20h55, hier, je mangeais un
excellent repas » mélange un fait et une opinion (« le repas était
excellent » est une opinion).
Et attention encore : on pourrait croire que les
statistiques sont des faits mais seulement si on sait comment elles ont été assemblées
et collectées. Par exemple, le nombre de jours de grève du secteur privé qu’on
nous présente une fois par an dans la presse est très certainement sous-estimé.
Pourquoi ? Parce que le secteur
privé est composé de 3 secteurs : le secteur agricole, le secteur secondaire
(l’industrie) et le secteur tertiaire (les services).
Or, personne n’est chargé de connaître les jours de grève du
secteur agricole. S’il y a grève, ces grèves ne sont pas administrativement et
statistiquement agrégées. En clair, c’est comme si elles n’existaient pas.
Premier problème
Ensuite, parce que
c’est aux Inspecteurs du travail de déterminer les jours de grève du secteur
secondaire et tertiaire : ce sont surtout des gens (et majoritairement des
hommes) proches des syndicats qui téléphonent aux Inspecteurs du travail, pour
leur faire savoir qu’ils sont en lutte et pourquoi ils sont en lutte ; ils
tiennent à être comptabilisés, à être dans les statistiques. Cependant, on sait
que les syndicats sont peu nombreux dans les petites entreprises, peu nombreux
dans le tertiaire et peu nombreux dans les entreprises où sont salariées
majoritairement des femmes. Ainsi donc, le nombre de jours de grève y sont
beaucoup moins comptabilisé, même si le fait de ne pas comptabiliser les grèves
ne veut pas dire que ces grèves n’existent pas.