lundi 8 octobre 2018

Faits et sentiments



On a vu précédemment qu’il pouvait être important de bien distinguer les causes et les conséquences. De même, il est important de distinguer les faits des sentiments. Vous comprendrez peut-être mieux si à la place du mot « sentiment » vous mettez « opinion ». La plupart des gens pense avoir exprimé un fait quand il n’exprime qu’une opinion ou un sentiment. Imaginons un processus de recrutement, et tout à la fin de ce processus, il y a l’épreuve du jury. Certaines personnes interrogées disent à la fin : « oui, je l’embaucherais. On voit tout de suite qu’il est bon ». Mais ils n’ont fait qu’exprimer une opinion.
Certaines opinions sont aussi parfois exprimées sous forme de faits, de telle manière que vous penserez que c’est un fait. Alors que ce n’est qu’un postulat, c’est-à-dire quelque chose énoncé comme vrai qui ne sera pas discuté. Il s’agit pour votre interlocuteur de vous rallier à ses vues. Vous ne devez pas vous y laissez pendre. Par exemple : « le réchauffement climatique aura de graves conséquences » peut être compris d’abord comme un fait ; Mais si on y réfléchit quelques secondes, on s’aperçoit vite que ce n’est qu’une opinion et une opinion dite sous forme de fait. Pourquoi ? Parce que tous les experts à l’heure actuelle pensent qu’on manque de recul pour parler de réchauffement climatique, certains avancent que ce réchauffement pourrait n’être que les prémices d’un refroidissement bien plus importants et d’autres encore font remarquer que lors des premières glaciations ou des premiers réchauffements, on ne peut accuser l’activité humaine. Donc, les chercheurs parlent désormais de « modification climatique », sans plus de précision. Parler de « réchauffement climatique » est donc une opinion ou, plus exactement, un postulat.
Qu’est-ce que cela signifie ? Que derrière des phrases, des mots, peut se cacher une opinion. Et qu’on peut vous asséner cette opinion comme s’il s’agissait d’un fait. Et cette « opinion /fait » peut bien évidemment générer des malentendus.
Et attention : le fait n’est ni un constat, ni un état des lieux. Le fait se doit d’être totalement objectif.
« A 20h 55, hier, je mangeais » est un fait. Ce n’est ni un constat, ni un état de lieux. « A 20h55, hier, je mangeais un excellent repas » mélange un fait et une opinion (« le repas était excellent » est une opinion).
Et attention encore : on pourrait croire que les statistiques sont des faits mais seulement si on sait comment elles ont été assemblées et collectées. Par exemple, le nombre de jours de grève du secteur privé qu’on nous présente une fois par an dans la presse est très certainement sous-estimé. Pourquoi ?  Parce que le secteur privé est composé de 3 secteurs : le secteur agricole, le secteur secondaire (l’industrie) et le secteur tertiaire (les services).
Or, personne n’est chargé de connaître les jours de grève du secteur agricole. S’il y a grève, ces grèves ne sont pas administrativement et statistiquement agrégées. En clair, c’est comme si elles n’existaient pas. Premier problème
 Ensuite, parce que c’est aux Inspecteurs du travail de déterminer les jours de grève du secteur secondaire et tertiaire : ce sont surtout des gens (et majoritairement des hommes) proches des syndicats qui téléphonent aux Inspecteurs du travail, pour leur faire savoir qu’ils sont en lutte et pourquoi ils sont en lutte ; ils tiennent à être comptabilisés, à être dans les statistiques. Cependant, on sait que les syndicats sont peu nombreux dans les petites entreprises, peu nombreux dans le tertiaire et peu nombreux dans les entreprises où sont salariées majoritairement des femmes. Ainsi donc, le nombre de jours de grève y sont beaucoup moins comptabilisé, même si le fait de ne pas comptabiliser les grèves ne veut pas dire que ces grèves n’existent pas.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire